Claude Lelouch

Claude Lelouch

"J'ai appris à marcher à Villers-sur-mer"


CLAUDE LELOUCH VOUE UNE VÉRITABLE PASSION pour la Côte Fleurie où il réside. Voilà 50 ans, il créait et réalisait à Deauville Un homme et Une femme. Entretien.


Cinquante ans après, quel est le souvenir que vous gardez d’Un homme et une femme ?


C'est un million de souvenirs. C'est le souvenir d'un miracle qui fait que ce film a ouvert les portes de la liberté cinématographique. Il y a un enchaînement d'événements qui fait que d'un seul coup, ce film est devenu un immense succès, a eu toutes les récompenses. Cinquante ans après, il est toujours aussi vivant. C'est l'histoire d'un miracle permanent. Ce film a une magie que je n'arrive pas à expliquer. Il ne faut pas expliquer les tours de magie.

 

Est-ce l’un de vos films préférés ?


Disons que c'est un peu mon père et ma mère. Quelque part, il est l’inventeur de tous mes films. Il est toujours présent dans mon coeur. On ne peut pas comparer son père et sa mère à d'autres personnes. J'ai fait d'autres films, d'autres succès. J'ai eu le droit à d'autres miracles mais celui-là est le premier. C'est mon papa et ma maman de cinéma. 


Comment assume-t-on un tel succès ?


Comme j’ai eu la chance de commencer par de gros échecs, j’étais un peu traumatisé. J’ai toujours été un peu méfiant.

Mais le succès ne fait pas que du bien. Il peut vous endormir. Après les applaudissements, on a encore envie d’applaudissements. Croyant tenir une recette, on a souvent envie de se répéter. C’est vrai qu’après un succès, on a tout de suite envie de faire le numéro 2, le numéro 3... mais c’est à ce moment-là que l’on se plante. Le public, lui, est fasciné par la nouveauté. Quand vous avez fait plus de 40 films, les gens connaissent votre univers. Alors ils vont voir un film de Lelouch si on leur a dit qu’il est très très bon. Si on leur a dit que c’est un bon Lelouch, pour eux c’est du déjà vu. Il faut que ce soit le meilleur Lelouch pour qu’ils se déplacent.


Un homme et une femme est né et a été tourné à Deauville. Vous résidez près de Villers-sur-mer, d’où vous vient cette passion pour la Côte Fleurie ?


Elle me vient de ma mère qui est Normande. J'ai grandi sur les plages de Normandie. J'ai appris à marcher à Villers-sur-mer. Donc je suis attaché à cette région qui est plus le 21e arrondissement de Paris qu'autre chose. Je suis né à Paris mais dès ma naissance je passais mes week-ends en Normandie. Très vite, je suis tombé amoureux de cette région dont les lumières sont folles. Moi qui suis très sensible à la lumière, elles m'ont touché comme elles ont touché les peintres impressionnistes. Cette lumière normande est pour moi une chose fondamentale, essentielle. J'adore tous les climats en Normandie. Comme dirait Olivier de Kersauson, la pluie, elle ne tombe que sur les cons.


Et c’est une région qui vous réussit...


Je suis toujours venu en Normandie quand je traversais des moments difficiles, compliqués. Et j’ai toujours eu le sentiment que cette région cicatrisait mieux qu’ailleurs. J’en repartais toujours avec des forces. La preuve avec Un homme et une femme : je suis arrivé à 2 heures du matin avec l’envie de mourir et à 8 heures je repartait flambant neuf. 


Quel y est votre passe-temps favori ?


J'adore marcher au bord de la mer avec les pieds dans l'eau. Je peux marcher pendant une dizaine de kilomètres à marée basse. Je trouve que c'est un exercice physique extraordinaire et la plus belle des promenades. Et puis après, j'adore également marcher dans la campagne du pays d'Auge. Alors à chaque fois que je peux faire l'une ou l'autre de ces promenades, je la fais.

 

À quand le prochain Lelouch tourné sur la Côte Fleurie ?


C'est pas impossible qu'en m'installant dans mon manoir j'aie envie de tourner un film qui se passe entièrement dans cet endroit que je connais bien. Mais les films ne se programment pas de cette façon-là. Ce qui m'intéresse, c'est de raconter des histoires dont j'ai été un peu le témoin. Je ne suis rien d'autre qu'un reporter de la vie. Ce sont les histoires qui sont les patrons, pas les pays et les régions. Moi je m'adapte. Quand je tourne Itinéraire (Ndlr Itinéraire d'un enfant gâté, 1988), je fais le tour du monde. Je peux aller partout. Mon prochain film je vais le tourner dans la région de Beaune, dans le milieu du vin. C'est le scénario qui décide de l'endroit où je vais tourner. Mais c'est vrai qu’à chaque fois que j'aurai une histoire qui pourrait se passer en Normandie, j'en profiterai.

 

Mais vous avez construit, près de Deauville, une maison circulaire, pour y tourner un film, n’est-ce pas ?


C'est vrai oui. On a construit à Tourgéville un décor important pour un film que je prépare et que je tournerai, je ne sais pas encore quand, mais peut-être dans les 3 ou 4 ans qui viennent.

 

En cette année du cinquantième anniversaire d’Un homme et une femme, quelle est votre actualité cinématographique ?


D'abord on va fêter ces 50 ans en ressortant le film dans le monde entier, au cinéma, à la télévision, un peu partout. Et moi je vais commencer mon 46e film au mois de juillet.



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